Quand le chaos défi l'Ordre

C'était une forte montagne, qui au loin se profilait, et c'était un soleil harassant, qui à l'horizon mourait. Les nuages de poussière, portés par les vents, suivaient les flancs du massif rocailleux d'une puissante valse, accompagnés du chant aérien de l'élément soufflant.
Le soleil tombait, lentement, dans l'horizon indécis et les groupes dansants qui allait vers lui, le masquaient fébrilement, pour ainsi altérer cette lumière éblouissante et brûlante en des milliers de fins haillons dorés et blancs ; tandis qu'à l'est, déjà, les prémices de l'épais rideau noir avançaient, silencieusement, pour renouveler cette éternelle reconquête du ciel.

Depuis quelques lunes, Estrella et d'autres, avaient quitté l'Acide Nucléik pour former un groupe d'éclaireurs. Il étaient arrivés au bas de cette imposante chaîne montagneuse deux jours auparavant, attendant l'ordre d'aller récupérer une carcasse motorisée. Un faible groupe de nomade gardait la relique ancienne, et était prêt à la céder. Ainsi, ce soir, ils allaient rendre à l'Ordre ce qui lui appartenait. Peu avant de se mettre en marche, Estrella alluma sa radio, et se brancha sur la fréquence de celui dont elle s'amusait : le vénérable anarchiste Gouranga, l'un des chefs de la conspiration du "KO". Pourquoi avait elle voulu, à ce moment rire de lui ? sans doute était-ce la providence. Estrella enclencha l'interrupteur de la radio, régla sa fréquence, et tomba sur la fin d'un message, sans doute enregistré. Le groupe commençait à partir, et l'enregistrement tardait à se faire de nouveau entendre. Il ne restait plus qu'elle sur le campement, quand la voix grave et déformée par les mauvaises ondes, sortit du poste.

Citation :

Bon, dès que tu entendras ceci, il va te falloir agir très vite si tu veux rester en vie. Pour faire court et simple : ton groupe va tomber dans un piège, car Sylve est un membre secret du Projet KO qui essaye d'attirer Lisandra près de lui. Faye et de Zolar, tous deux en buggy, attendent que Lisandra se rapproche pour lui tomber dessus et faire un gros carton. Comme t'es dans le groupe, je te préviens pour que tu te fasses pas buter.
Donc si tu veux t'en tirer, quitte ton groupe dès que t'auras ce message et va rejoindre celui de Sylve. T'es à la croisée des chemins là, il est temps de choisir définitivement ton camp. Si t'es encore dans le groupe de Lisandra ce soir, je ne pourrai plus faire grand chose pour retenir Faye et Zolar, désolé.

Estrella resta muette, comme prise d'une soudaine torpeur. Mais très vite, tout son esprit était de nouveau à elle. Chacun de ses mouvements était précis et rapide, et elle rappela ceux qui étaient partis, puis elle prévint Orlan des plans anarchistes, dans une monotone chorégraphie de gestes et de paroles froides.

Une heure passa, le groupe alla vers le sud, pensant échapper à tout menace. Le soleil amorça sa lente agonie, sa mort dans l'horizon. Le ciel était partagé entre le noir drap de la nuit et la chaude voûte aux milliers de reflets d'or. Tranquille, la caravane avançait, au rythme du cheval fatigué, rendu à moitié mort par le temps, et à moitié fou par cet âge. Les ballets de poussières se poursuivaient, porté par la chanson pré-nuptiale du vent. Quand, parfois, une soudaine bourrasque venant de l'ouest venait contrer la symphonie, quelques tourbillons de sable venaient marqué ce désaccord. L'horizon formait une tangente trouble et ondulante, sur le soleil mourant. La guerre des ciels se poursuivait, lentement, de la même manière depuis le début des temps. Soudain, plusieurs tourbillons vinrent déranger la danse tellurique de la poussière et du vent, mais sans qu'aucun rafale sentir sur les peaux brûlées, puis, seconde après seconde, une forme se matérialisa de derrière la terre dansante : une véhicule, un d'Arkham, un des anarchistes. Le groupe, accéléra, et d'une marche rapide, naquit une folle course pour la survie. Le Soleil ne montrait plus qu'une moitié de son corps céleste, et l'habille de nuit commençait à refermer sa large mâchoire, aux longues dents effilées. Le buggy se rapprochait, on pouvait entendre le rugissement de cette bête d'acier, un bruit singulier, car il semblait que deux hurlements s'échappaient de cette carcasse. Le piège se resserrait, et le soleil coulait, rougeoyant, comme le sang coule d'une plaie. Le vombrissement était de plus en plus étrange à mesure qu'il se rapprochait, car de plus en plus, les deux grognements se distinguaient. Quelques centaines de mètres séparaient les chaotiques du groupe, quand soudain un puissant vacarme de détonations s'éleva de derrière la dune, d'où le buggy devait sortir pour fondre sur l'Ordre. Les coups de feux laissèrent place aux cris animales, et au moment où le derniers des hurlements s'en alla mourir, le soleil expira, et le linceul, noir et sinistre se referma, tandis que continueait à chanter, le macabre requiem du vent.