Le froid et la glace

L'horizon de sable s'était habillé de son vêtement d'hiver. La neige, légère, recouvrait les plaines et le désert, de fines étoiles gelées tombaient en permanence du ciel gris. Les nuages s'étendaient sur la totalité de la voûte, ne laissant aucun espace pour quelques rayons que ce soit, n'accordant aucun répit aux yeux qui chercheraient du bleu dans ces cieux morts. De cette épaisse barrière nuageuse, descendait parfois un éphémère souffle glacial, qui pétrifiait les corps au sang chaud et prenait la vie aux êtres les plus frêles ; les fins flocons blancs qui étaient arrachés de leur lit par ces bourrasques fugaces, venaient mordre les visages et les quelques parcelles de chair, qu'ils venaient à rencontrer sur leurs folles envolés, les malheureuses victimes de ces assauts, restaient paralysées sous la violence de la charge et ne reprenaient qu'avec difficulté un train de marche normal. C'est ainsi, car ces terres hostiles sont aussi assassines sous un soleil qui déchire les vies que sous la tyrannie d'un hiver violent, qui vient finir de faucher ceux, qui n'avaient pas succombé à l'été arasant.


L'oasis n'offrait qu'un bien faible refuge faces aux terribles armées glaciales de la saison blanche. L'eau était gelée, les arbres se mourraient, ici aussi la vie semblait absente. Mais, il existait certaines créatures et humains, qui pouvaient résister à ce déchaînement des éléments. Vingt, hommes et femmes, tenaient tête aux légions du froid, et survivaient. Ce petit havre semblait être le seul lieu de ces plaines où il y avait des coeurs battants. Mais aux abords de l'Eden, une forme noirâtre se tenait assise, là, comme provoquant la nature, et s'amusant de sa fureur et de ses tempêtes. Mais Estrella, n'était pas là pour ça.

La jeune femme ne songeait pas à provoquer quelconques ires, elle restait debout appuyée contre un tronc mort, à contempler la perfection du paysage qui s'étendait sous ses yeux. Elle ne ressentait pas le froid, non pas qu'elle était protégée par d'épaisses frusques, c'était seulement que son corps et son âme étaient déjà si glacés, que rien ne pouvait faire frémir ce cadavre dont des lambeaux de chaleur se décollaient jour après jour. Sur ses lèvres gelées, un sourire s'animait fébrilement à chaque coup du vent fugitif, tout ce visage froid et morne luisait d'une implacable démence. Le regard prédateur scrutait cette infinie de glace et de souffrance, il attendait quelque chose, qu'importe ce que se soit, il fallait attendre, et peut être un jour, voir une silhouette au long manteau noir, briser cet horizon inutile, un fol espoir de voir apparaître un fantôme, le spectre de l'Ordre, celui du journal. Mais les illusions trompent.

Estrella restait là, à attendre placidement un évènement qui jamais n'arriverait. Elle restait là les jours durant, froide comme l'air qui soufflait, balayant ses cheveux où des petits cristaux de gel s'accumulaient, les rendant aussi blanc que le paysage, et le vent chargé de flocons, recouvrait son visage impassible d'un léger masque de glace. La reine blanche restait ainsi, stoïque, faisant fi de la nature hostile et de ses éléments. Seuls, deux yeux à la couleur ocre, laissait croire que sous la glace, il y avait encore un coeur chaud et battant.

Durant les heures de jour, si Estrella n'était pas à scruter l'horizon, elle errait autour du camp, se mouvant d'une démarche furtive et légère, se déplaçant d'arbre en arbre, un spectre qui hantait secrètement ces lieux, laissant derrière lui, une persistante trainé d'ombres et d'odeurs froides. Elle s'arrêtait parfois, et observait de ses yeux fauves les mouvances des autres, et quand certains aiguisaient leurs aptitudes à tuer, Estrella les regardait, et apprenait elle aussi à offrir la mort, jours après jours, elle devenait plus forte.

voilà plusieurs jours maintenant que le Rainbow était tombé.
Les écorcheurs et l'Acid avaient ripaillé sur les restes de ses compagnons, tandis qu'elle était parquée à l'écart de l'assemblée...
Les doigts gelés par le froid, son corps qui tressaillait lorsque le vent mortel s'engouffrait dans ses vêtements en lambeaux, elle cherchait dans les quelques herbes rescapées de la plaine des remèdes pour soigner ses geôliers...

Pendant ce temps, ils s'entraînaient.
Ils avaient des armes de tirs et pourraient se perfectionner dans leur maniement... mais non. Ils se frappaient, se sautaient dessus.... tel des animaux.

Les écorcheurs participaient activement. Si l'Acid était froid et méthodique, eux étaient fous et chaotiques.
Des va-t-en guerre toujours prêts à en découdre mais d'une organisation assez incompréhensible... Leu jeune chef Aaron l'impressionnait pour cela... arriver à "canaliser" ce trop plein d'énergie en une meute cohérente.... un bel effort.

Quand à elle... toujours à l'écart, griffonant son carnet... Personne ne semblait l'apprécier. Et à tout dire, Lëana ne l'aimait pas non plus... et ce depuis Omega... Néanmoins elle était intrigante.
Fanatique elle semblait pourtant tellement... triste. comme si la vie l'avait abandonnée et que son corps se mouvait seul dans un but bien obscur pour Lëana à ce moment...

Profitant d'une pause dans l'entraînement, LËana s'approche de Tibor le regard au sol, et lui demande d'une voix frêle.

Je... pourrai avoir un peu... un peu d'eau...?

Ses paroles sonnaient faux... Si faux qu'un instant elle cru que quelqu'un d'autres les avait prononcées...
Mais non.
Elle était brisée dans son corps, cela était courant, mais cette fois, même sa volonté semblait affaiblie....

Son intervention dans le rituel de Shazam mis à part, Tibor ne se préoccupait absolument pas du sort de leur captive. Bien sur, il la prenait en compte pour les rations et comme force de travail mais il la considérait pour ce qu'elle était: une traitresse, une prisonnière dont il n'avait pas la responsabilité. Malgré tout le cas Lëana l'interessait, il se demandait souvent si elle arriverait à remonter la pente...

Tibor toisa la jeune femme du regard dur et inquisiteur qu'il avait pour jauger les gens. Question vivre il ne lui semblait pas qu'elle eut été brimé depuis son arrivée et la requête, alliée à son comportement, lui semblait étrange.

L'homme serra les dents, sa présence avait au fond quelque chose d'irritant. Même si elle avait été largement punie, il considérait que les sources de problèmes de ce genre devaient disparaitre sans plus de cérémonie.

Cependant il n'avait rien d'un tortionnaire, aussi récupéra t'il une gourde d'eau parmi leurs réserves et la lui tendit. Se demandant si l'eau était le seul motif de son approche, le Roumain continua de fixer Lëana en émettant pour la première fois depuis longtemps quelques paroles à son attention d'un air narquois:

" Autre chose? "